Dans une interview accordée au site de l'Obs à sa sortie du ministère
du Travail le 23 août 2017, Véronique Descacq, secrétaire générale
adjointe de la CFDT expose les premières impressions de la Confédération
sur les ordonnances qui doivent réformer le code du travail.
Vous
sortez du ministère du Travail, où vous venez de prendre connaissance
d'une partie du projet d'ordonnances. Quel est votre état d'esprit ?
Nous sommes encore vigilants. En effet, si nous sommes rassurés sur l'utilisation des CDD, dont les motifs resteront fixés pas la loi, et sur le CDI de chantier, qui devra impérativement faire l'objet d'une négociation de branche, d'autres aspects sont encore trop flous.
A commencer par la vision même du dialogue social, comme enjeu de la performance des entreprises. Il y a une ambiguïté. Est-ce un atout, comme semble le penser la ministre ? Ou une contrainte à alléger ? Certains aspects du texte peuvent nous faire craindre que cette vision rétrograde existe au sein de l'exécutif...
Jusqu'à présent, le gouvernement a maintenu le flou sur les points les plus sensibles… Pouvez-vous nous en dire davantage sur les indemnités prud'homales ?
Sur le barème des prud'hommes, on ne connaît pas encore les montants retenus.
Par ailleurs, la CFDT a demandé une augmentation significative des indemnités légales : 1/2 mois de salaire par année d'ancienneté. Mais il semble que le gouvernement envisage plutôt une augmentation homéopathique, 1/4 de mois [1/5 aujourd'hui, NDLR]. Ce ne serait pas correct, ni même cohérent avec la volonté de réduire les recours en justice : indemniser correctement les salariés licenciés est le plus sûr moyen de limiter les recours judiciaires !
Et sur la flexibilisation des CDI et CDD ?
Sur les CDI, en revanche, nous sommes pleinement rassurés. Les motifs de recours [au CDD] resteraient fixés par la loi. La négociation de branche pourrait alors réguler leur utilisation en fonction des réalités, très différentes d'un secteur à l'autre. Ainsi, une branche qui s'engagerait à augmenter la durée moyenne des CDD pourrait supprimer le délai de carence entre deux contrats... Une autre pourrait envisager des contrats supérieurs à 18 mois en contrepartie d'une augmentation de la part des CDI. La CFDT a voulu cette évolution.
Syndicat réformiste, la CFDT s'est satisfaite de la précédente loi Travail présentée par Myriam El Khomri. Cette fois, quelles sont vos priorités ? Vos lignes rouges ?
Le gouvernement doit clarifier sa vision du dialogue social. Si c'est un enjeu de la performance des entreprises, le rôle et les moyens des acteurs doivent être renforcés : échanges plus approfondis sur les questions économiques, information plus transparente, recours à l'expertise pour les accompagner, reconnaissance des compétences des élus et mandatés...
Mais si le gouvernement se contente de répondre aux pseudos angoisses patronales sur "la peur d'embaucher", il aura raté l'occasion de faire évoluer la culture du dialogue social dans notre pays.
Créer les conditions de la confiance et du travail de qualité entre acteurs économiques et sociaux dans l'entreprise : ce sera cette clé de lecture qui permettra à la CFDT de dire si la réforme est progressiste ou s'il s'agit seulement d'une rengaine ultra libérale.
Le gouvernement veut favoriser l'accord d'entreprise. En juillet dernier, vous souligniez le risque de décisions unilatérales de l'employeur, faute de réelles négociations. Avez-vous obtenu des garanties sur ce point ?
Non, pas pour les petites entreprises. Or ne perdons pas de vue que plus de deux tiers des salariés travaillent dans des petites entreprises. Pour la CFDT, ils ne doivent pas avoir de "petits droits".
Est-il toujours question d'un référendum à l'initiative de l'employeur ?
Il ne devrait pas intervenir sans qu'il y ait eu au préalable négociation et signature d'un accord. Il s'agirait donc uniquement de donner à l'employeur la possibilité de faire valider par référendum un accord minoritaire. Un droit que les syndicats ont déjà.
Qu'en est-il de la fusion des instances de représentation du personnel (comité d'entreprise, délégués, CHSCT), pourriez-vous accepter que cette fusion devienne obligatoire ? A partir de quel nombre de salariés dans l'entreprise ?
La question n'est pas tant celle du nombre que des pratiques de l'entreprise. Il y a des cas où la fusion est réclamée par les élus eux-mêmes ! A nos yeux, il faut laisser le choix aux négociateurs d'entreprise. Si la fusion est obligatoire, il convient au minimum de laisser la possibilité de maintenir une commission en charge des questions d'hygiène et de sécurité, ainsi que les délégués du personnel qui assument un rôle de représentation de proximité très utile, notamment dans les entreprises qui ont plusieurs sites.
A ce stade, pensez-vous qu'il sera possible d'arriver à un bon texte, ou bien s'agira-t-il seulement pour vous de limiter la casse ? Etes-vous prêts au rapport de force si besoin ?
Nous ne sommes pas dans la négociation d'un accord. Le gouvernement fera des choix, et il les assumera. A la CFDT, nous soutiendrons tout ce qui renforcera la démocratie sociale. Nous condamnerons tout ce qui négligera la place des salariés, première richesse de l'entreprise. En se donnant les moyens du rapport de force si nécessaire.
Le tissu social est toujours fragilisé par le chômage, la précarité et les évolutions réglementaires incessantes. Le gouvernement aurait tort de considérer que le ras de bol n'est que fiscal…
Nous sommes encore vigilants. En effet, si nous sommes rassurés sur l'utilisation des CDD, dont les motifs resteront fixés pas la loi, et sur le CDI de chantier, qui devra impérativement faire l'objet d'une négociation de branche, d'autres aspects sont encore trop flous.
A commencer par la vision même du dialogue social, comme enjeu de la performance des entreprises. Il y a une ambiguïté. Est-ce un atout, comme semble le penser la ministre ? Ou une contrainte à alléger ? Certains aspects du texte peuvent nous faire craindre que cette vision rétrograde existe au sein de l'exécutif...
Jusqu'à présent, le gouvernement a maintenu le flou sur les points les plus sensibles… Pouvez-vous nous en dire davantage sur les indemnités prud'homales ?
Sur le barème des prud'hommes, on ne connaît pas encore les montants retenus.
Par ailleurs, la CFDT a demandé une augmentation significative des indemnités légales : 1/2 mois de salaire par année d'ancienneté. Mais il semble que le gouvernement envisage plutôt une augmentation homéopathique, 1/4 de mois [1/5 aujourd'hui, NDLR]. Ce ne serait pas correct, ni même cohérent avec la volonté de réduire les recours en justice : indemniser correctement les salariés licenciés est le plus sûr moyen de limiter les recours judiciaires !
Et sur la flexibilisation des CDI et CDD ?
Sur les CDI, en revanche, nous sommes pleinement rassurés. Les motifs de recours [au CDD] resteraient fixés par la loi. La négociation de branche pourrait alors réguler leur utilisation en fonction des réalités, très différentes d'un secteur à l'autre. Ainsi, une branche qui s'engagerait à augmenter la durée moyenne des CDD pourrait supprimer le délai de carence entre deux contrats... Une autre pourrait envisager des contrats supérieurs à 18 mois en contrepartie d'une augmentation de la part des CDI. La CFDT a voulu cette évolution.
Syndicat réformiste, la CFDT s'est satisfaite de la précédente loi Travail présentée par Myriam El Khomri. Cette fois, quelles sont vos priorités ? Vos lignes rouges ?
Le gouvernement doit clarifier sa vision du dialogue social. Si c'est un enjeu de la performance des entreprises, le rôle et les moyens des acteurs doivent être renforcés : échanges plus approfondis sur les questions économiques, information plus transparente, recours à l'expertise pour les accompagner, reconnaissance des compétences des élus et mandatés...
Mais si le gouvernement se contente de répondre aux pseudos angoisses patronales sur "la peur d'embaucher", il aura raté l'occasion de faire évoluer la culture du dialogue social dans notre pays.
Créer les conditions de la confiance et du travail de qualité entre acteurs économiques et sociaux dans l'entreprise : ce sera cette clé de lecture qui permettra à la CFDT de dire si la réforme est progressiste ou s'il s'agit seulement d'une rengaine ultra libérale.
Le gouvernement veut favoriser l'accord d'entreprise. En juillet dernier, vous souligniez le risque de décisions unilatérales de l'employeur, faute de réelles négociations. Avez-vous obtenu des garanties sur ce point ?
Non, pas pour les petites entreprises. Or ne perdons pas de vue que plus de deux tiers des salariés travaillent dans des petites entreprises. Pour la CFDT, ils ne doivent pas avoir de "petits droits".
Est-il toujours question d'un référendum à l'initiative de l'employeur ?
Il ne devrait pas intervenir sans qu'il y ait eu au préalable négociation et signature d'un accord. Il s'agirait donc uniquement de donner à l'employeur la possibilité de faire valider par référendum un accord minoritaire. Un droit que les syndicats ont déjà.
Qu'en est-il de la fusion des instances de représentation du personnel (comité d'entreprise, délégués, CHSCT), pourriez-vous accepter que cette fusion devienne obligatoire ? A partir de quel nombre de salariés dans l'entreprise ?
La question n'est pas tant celle du nombre que des pratiques de l'entreprise. Il y a des cas où la fusion est réclamée par les élus eux-mêmes ! A nos yeux, il faut laisser le choix aux négociateurs d'entreprise. Si la fusion est obligatoire, il convient au minimum de laisser la possibilité de maintenir une commission en charge des questions d'hygiène et de sécurité, ainsi que les délégués du personnel qui assument un rôle de représentation de proximité très utile, notamment dans les entreprises qui ont plusieurs sites.
A ce stade, pensez-vous qu'il sera possible d'arriver à un bon texte, ou bien s'agira-t-il seulement pour vous de limiter la casse ? Etes-vous prêts au rapport de force si besoin ?
Nous ne sommes pas dans la négociation d'un accord. Le gouvernement fera des choix, et il les assumera. A la CFDT, nous soutiendrons tout ce qui renforcera la démocratie sociale. Nous condamnerons tout ce qui négligera la place des salariés, première richesse de l'entreprise. En se donnant les moyens du rapport de force si nécessaire.
Le tissu social est toujours fragilisé par le chômage, la précarité et les évolutions réglementaires incessantes. Le gouvernement aurait tort de considérer que le ras de bol n'est que fiscal…
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